On parle beaucoup ces derniers temps de pauvreté et de solidarité. Cependant, à la suite de la guerre qui opposa la France à la Prusse dans les années 1870 - 1871, les indigents, comme on les appelait à l’époque, furent l’objet de bien des attentions.
Dans les documents de cette période, on trouve des traces des efforts qui ont été fait en faveur de cette catégorie de personnes défavorisées , dans le canton
de Bacqueville-en-Caux.
Pendant la guerre, le Préfet demande à plusieurs reprises une participation de la commune de Saâne saint just pour les frais d’équipement des gardes nationaux mobilisés. Il s’est vu opposer à chaque fois un refus du conseil municipal et des contribuables les plus imposés qui se déclarent « dans la position la plus difficile, attendu qu’ils sont obligés pour éteindre la mendicité de s’imposer de lourds sacrifices ».
Il y a donc à cette époque une action de solidarité directe du
plus riche (le plus
imposé) vers le plus pauvre (le mendiant). Les documents ne disent cependant pas quelle est l’étendue réelle de ces « lourds sacrifices ».
Par contre, à chaque fois que les autorités demandent de l’argent, les propriétaires sont montrés du doigt comme étant les personnes à qui il faut s’adresser
LA FONDATION ALBERT JEAN
Les propriétaires en question ne voudront pas être en reste. C’est
monsieur Jean, propriétaire à Auppegard qui va déclencher une vague de générosité en vers les plus défavorisés. Pour cela, il lègue par testament, « en toute propriété, jouissance », à
14 communes du canton de Bacqueville, y compris celle de Saâne saint Just, la somme de 60 000 francs , ainsi que le revenu d’une ferme sise à
Bibos , sur la commune de Sauqueville .Cette ferme comprend une cour masure de 2 hectares, elle est entourée de hêtres. Elle comprend aussi 11 hectares de terres de labour et 1 hectare de bois
taillis. Le tout est évalué à 45 000 francs et peut
rapporter 1 700 francs de location annuelle.. Albert Jean émet comme seule condition à cette donation qu’elle soit consacrée à la création d’ un établissement hospitalier sur le territoire de la
commune de Bacqueville, pour y recevoir les malades indigents des communes désignées par le testament. Dans un souci d’équité, il est précisé que le nombre d’indigents admis à l’hôpital, sera
« au prorata des ressources de la population de chacune des communes ». De plus, pour les pauvres qui ne pourraient être admis à l’hôpital, il sera dispensé des soins
médicaux gratuits.
Une commission est chargée d’examiner la possibilité financière de construire cet hôpital et d’assurer son entretien. Après avoir soigneusement examiné son rapport, le conseil municipal de Saâne Saint Just en adopte à l’unanimité « les termes et les conséquences » dans sa réunion du 15 mai 1873.Dès lors, d’autres donateurs vont se manifester. Monsieur Osmont donne pour l’établissement de l’hospice, un vergeravec une pièce de terre voisine d’une contenance de 1 hectare.Madameveuve Feret, propriétaire à Omonville fait don de « 2 lits complets
conformes au modèle qui sera adopté, ou pour en tenir lieu d’une somme de 300 francs par lit, ainsi qu’une rente annuelle de 800 francs pour l’entretien de ces 2 lits »
Cependant, la ferme de Bibos, dont le revenu était destiné à
l’entretien de l’hôpital ,a besoin elle aussi d’entretien. Les frais sont jugés « considérables ». Il s’agit de nouvelles plantations d’arbres fruitiers, de construire un grenier sur le
cellier, de
changer les poutres et les chevrons des couvertures, sans compter les impôts à la charge de l’hôpital. La commission administrative chargée de gérer les fonds de l’institution, calcule que
déduction faite des frais, la ferme ne rapporterait plus que 1 400 francs par an au lieu des 1700, alors que les 45 000 francs provenant de la vente, placés en rente sur l’état donneraient un revenu annuel de plus de 2 000 francs sans
aucune charge. Alors , le 25 avril 1877 la commission décide la vente de la ferme de Bibos.
Aujourd’hui, les bâtiments de la fondation Albert jean existent toujours à Bacqueville. Ils abritent les locaux de la Communauté de Communes Saâne et Vienne, ainsi que ceux du « Pays d’Accueil Touristique du Terroir de Caux » ,le syndicat des Bassins Versants, la mission locale ,les Restos de Coeur ,la Mutualité sociale agricole ainsi que l'AMCB. La vocation de la fondation est perpétuée par la présence de services publics.
D’AUTRES FORMES DE SOLIDARITE
Suite à une invitation du Conseil Général à ce que les communes participent aux frais médicaux pour les indigents des campagnes, le conseil municipal de Saâne Saint Just, réuni le 14 novembre 1872 vote une subvention de 1 franc par tête d’indigent, le surplus devant être supporté par l’Etat et le département.
Le 15 décembre 1872, une somme de 117 francs provenant
del’indemnité accordée pour le passage des troupes
allemandes étant restée sans emploi dans la caisse du receveur municipal, le conseil décide de la répartir entre les plus
nécessiteux.
A l’époque, les dépenses de l’instruction étaient couvertes par
une taxe dite des 3 centimes spéciaux s’ajoutant aux 4 taxes déjà existantes, par une subvention du
département et une rétribution scolaire apportée par chaque enfant. Dans sa délibération du 9 février 1873, le conseil municipal fixe cette rétribution à 1,75 franc par enfant, mais à seulement
0,50 franc pour les élèves indigents.
CONCLUSION
Comme on le voit, les problèmes de pauvreté étaient déjà largement pris en compte et on essayait de les pallier en facilitant l’accès aux soins médicaux et à l’instruction aux plus démunis. Quelques subsides en argent venaient compléter ces mesures. Il faut cependant noter que dans la plupart des cas, cela était laissé à des initiatives privées.
Aujourd’hui, la sécurité sociale, l’éducation nationale, le RSA jouent le même rôle à l’échelon national